Entretien privé

Les deux théières était vides. L'espion regagnait péniblement sa contenance, sa voix encore tremblante donnait un indice fiable de son tumulte intérieur. Le tueur décida donc de laisser à son compagnon le temps d'assimiler l'expérience extraordinaire qu'il avait vécu.
Il interpella la serveuse et recommanda la même chose. Une fois les théières remplit, Khaos servit le jeune homme avec des gestes précis et gracieux. La porcelaine blanche classique renforçait le charme un peu désuet du lieu. Il goûta la part de cake jusqu'alors délaissée. La saveur particulière du matcha envahit ses papilles frémissantes de ce bonheur gustatif. Après un silence agréable de quelque minutes, il reprit la parole.

- "Si vous avez besoin d'aide en informatique, j'ai un collaborateur fiable. Quand vous aurez regardé le CD, vous comprendrez qu'il serait sage d'éviter le service de logistique... ". L'évocation de Naël lui rappela un autre problème qu'il devait régler pour garantir leur sécurité immédiate et limiter les risques de soupçon.
- "Je préfère que nos relations professionnelles restent secrètes, et sous couvert de relations amicales." La réticences de Myoko-san devint palpable. Il faudrait du temps à l'espion pour équilibrer ses émotions. "Mais, si vous avez une meilleure idée pour ne pas attirer l'attention sur nos rencontres, je vous écoute."

Haru avait vraiment eut du mal à se remettre de tout cela. Il n’avait pas été préparé, et quand bien même il l’aurait été, cela n’aurait pas servit à grand chose. Cette amphatie, ces sentiments, tout cela avait été trop fort pour qu’il espère avoir une quelconque chance de pouvoir y échapper. Mais maintenant, il prenait conscience de ce qui lui arrivait. Il savait, non, plutôt, il ressentait au fond de lui du changement, comme s’il avait compris quelque chose d’important, mais que ce quelque chose restait encore ambigu dans sa tête et son cœur !

Plongé dans ses pensées ou plutôt submergé, il ne réalisa pas immédiatement la présence de la serveuse. Mais quand ce fut le cas, il ne bougea pas, se contentant de gratifier d’un sourire la jeune fille pour la remercier de son travail. Il prit alors la tasse de thé et la porta à ses lèvres ! Ce n’était plus le même thé, il le sentit immédiatement. Il huma alors son breuvage, avant de sourie distraitement. Ca lui rappelait un vague souvenir heureux, même s’il n’arrivait pas à le situer…

Il ne revint qu’à la réalité que lorsque Khaos prit la parole. Son sourire disparut alors pour laisser de nouveau place à ce visage sans expression… Et il écouta… Enregistra… Accumula les informations. Il venait découvrir que son … associé ? Pour cette mission tout du moins, avait quelqu’un qui pourrait l’aider pour enquêter, point de vue informatique. Il compris également que la logistique était pour le moment à éviter ! Ca tombait bien, il n’allait jamais dans ce secteur…

« - Bien ! Je vous informerais si le cas venait à se présenter… »

Mais la suite lui posa problème. L’amitié n’était une chose qu’il savait gérer. Si bien que la proposition de Khaos le poussa dans ses retranchements. Il le fixa avec froideur, cherchant à savoir ce qu’il devait faire, sans le montrer. Puis, au bout d’un moment, il prit de nouveau la parole…

« - L’amitié ira… Je ferrais avec ! Ca ne peut pas être si dur ! »

Il avait dit cela comme s’il prenait cela comme une leçon ! Mais c’était sûrement le cas, même s’il restait fortement indécis tout de même…

Khaos posa sa tasse et regarda avec sérieux son interlocuteur toujours impassible mais dont les émotions s'agitaient. Encore une fois, Khaos s'interrogea sur le passé et l'éducation du jeune homme. Comme il n'avait pas compulsé son dossier, il ne disposait d'aucun élément pour comprendre son attitude si froide et si apeurée à l'idée d'interagir avec d'autres êtres humains.

La tâche serait ardue pour maintenir leur couverture. Les réticences enfantines de Myoko-san commençaient à agacer le tueur, au caractère pourtant calme et posé. Avec Naël, le problème identique avait trouvé une résolution agréable pour les deux parties. Mais, avec l'espion, la donne différait. Khaos n'était pas à l'aise dans cette situation, ce n'était pas son boulot ! Il refoula l'énervement et se concentra sur la mission. Son frère se tortillait d'ennui sur la chaise voisine.

Le regard du tueur balaya la salle qui se remplissait à l'approche du déjeuner. Le salon proposait une formule de repas et bientôt le lieu serait trop bruyant pour entretenir une conversation discrète. Le physique de son interlocuteur l'intriguait et il se demanda si lui aussi n'avait pas des gènes quelque peu bricolés. Si les réponses de son organismes semblaient humaines, la couleur de ses pupilles n'était pas naturelle. Khaos opta pour l'approche frontale, et posa la question de but en blanc :
- "Je suis intrigué par vos yeux. Vous sortez aussi d'un labo?"

Myoko-san le fixa, déstabilisé par la tournure de la discussion. Khaos lui sourit gentiment mais s'abstint de lui rappeler la nécessité d'échanger des informations d'ordre personnel. Sans cesser de s'intéresser à lui, il lista sur son PDA ses loisirs, afin de les communiquer au jeune homme. Ils trouveraient bien une activité commune qui justifierait de se côtoyer.

Voilà justement la chose qui l’avait poussé, et ce dès son plus jeune âge à se retranché loin des être vivant : La question de Khaos ! Bien évidemment, le tueur ne pouvait pas deviné le passé de notre albinos, puisque lui-même en avait oublié une grande partie ! Il savait juste qu’il s’était retrouvé orphelin très jeune ! Qu’il avait été transporté de famille en famille, d’orphelinat en orphelinat pour finir par dire stop à tout cela et se débrouiller seul ! Il dévia dans le seul secteur où il se sentait à l’aise et fut finalement trouvé par Keith qui termina son éducation et le format pour devenir ce qu’il est à présent, un espion ! Certes, ce n’était pas Keith qui l’avait poussé à se fermer ainsi ! Mais c’était cette « faculté » qui finalement avait fait décidé Keith sur lui !

Si bien que finalement, tout cela le prit une nouvelle fois au dépourvu ! Khaos avait vraiment le don de lui casser toutes ses barrières rien qu’en une parole ! Et le pire dans tout cela c’est qu’il ne pouvait rien faire contre cela ! Il avait beau se méfier ou rester sur ses gardes, le résultat restait le même ! Si bien qu’il se demandait qui était vraiment cette personne qui se trouvait devant lui, même si au fond, ce n’était pas si important, tant que leurs objectifs restaient en commun ! Et qu’il savait ce qu’il était sans vraiment le savoir ou le comprendre …

Haru fixa un instant la pièce ! Il commençait vraiment à être mal à l’aise ! Il y avait beaucoup de trop de monde pour lui ! Cela commençait à se ressentir dans son aura et ses agissements ! Même s’il les cachait autant que possible ! Il était vraiment temps que cet entretien aboutisse pour qu’il puisse sortir de ce lieu de plus en plus détestable au fur et à mesure que les minutes s’égrainaient ! Il prit tout de même le temps de répondre à Khaos ! Et ce le plus calmement qu’il pouvait vu la situation ambiante !

« - Je ne sors pas d’un laboratoire ! Mes yeux sont ainsi naturellement ! Cela arrive que très rarement, mais il arrive que des enfants naissent avec des cheveux blanc et des yeux rouges ! Ce fut mon cas ! »

Il avait tenté d’expliquer sa condition du mieux qu’il put sans entrer dans les détails ! Il espérait que cela suffirait !

« - Je ne suis qu’un simple humain ! Et comme les humains, j’ai des défauts ! Mes yeux en font parties… »

Il clôtura le sujet ainsi, un peu brusquement ! Le monde devenait oppressant ! Il avait cette étrange impression d’être la cible de tous les regards ! C’est pour cela qu’il aimait se fondre dans le décor, il n’était pas ainsi observé ! C’était lui qui le faisait….

Khaos enregistra l'information sur l'albinisme de l'espion, ce qui renforça encore les doutes qu'il avait à son sujet. Pour qu'il ait ainsi les yeux rouges, sa dépigmentation était extrême, le rendant vulnérable non seulement aux rayons du soleil mais à de nombreuses autres maladies. La façon ostentatoire de proclamer qu'il n'était qu'un simple humain, se comparant implicitement à l'inhumanité de Khaos, et le terme "défaut" pour décrire la couleur inhabituelle de son iris ôtèrent tout espoir pour le tueur. Il serait impossible de maintenir une couverture d'ordre amical pour masquer la nature professionnelle de leur relation.

En plus, le jeune homme perdait toute contenance avec l'arrivée massive de clients dans le salon, venus se restaurer pendant leur pause de midi. Khaos soupira face à la véhémence stérile du jeune homme. Son compagnon paraissait incapable de supporter le bruit de la vie quotidienne des autres humains.
En final, il était même plus inapte que le tueur à interagir avec eux. Par acquit de conscience, Khaos lui montra l'écran du PDA, dévoilant ainsi un peu de sa personne. Il fit un geste au serveur et lui tendit sa carte de paiement. Rester ici plus longtemps ne servirait à rien. Autant retourner au Réseau. Et les bonnes odeurs en provenance de la cuisine commençaient à titiller les sens accrus de Khaos.

Haru restait hélas réaliste sur lui-même. Même s’il avait tendance à se déprécier un peu trop. Il était trop pragmatisme, il s’accrochait à des choses qui finalement étaient trop matériel et cela faussait son jugement pour finalement – dans un certain sens – le conduire sur une erreur de jugement vis-à-vis ses propres facultés. Mais on ne pouvait pas le changer ou alors, fallait le prendre entre quatre yeux et lui prouver par A + B que C était possible. Et franchement ce n’était vraiment pas une masse à faire ! Bon courage à celui qui un jour voudra réaliser cet exploit…

Pourtant, il était capable d’amitié. Il avait bien prit contact avec le secrétaire de Keith. Cet homme avait réussit à l’approcher et à le faire parler. A même lui faire accepter de rencontrer son frère. Mais cela c’était avant la perte de Jonathan. Perte qu’il était de sa faute. D’où très certainement sa réaction de enfermement et dans un sens de sauvagerie. Le lionceau avait perdu son maître et était devenu dangereux pour lui-même mais aussi pour son entourage et pour ses missions… Il devait vite réparer cela, sous peine d’être tout simplement retiré du « marché ».

Mais Haru n’en avait pas conscience encore. Il avait beaucoup de choses en tête. Et sa crainte du monde ne l’aidait vraiment pas. Il regarda tout de même le PDA. Il enregistra les nouvelles informations avant de fixer Khaos. Il en apprenait un peu plus sur lui. Et au lieu de l’effrayer, ça l’intriguait. La curiosité d’Haru était bel et bien la chose qui faisait opposition à son caractère fermé et sauvage…

Il vit alors le tueur payer la commande. Il soupira, sans vraiment soupirer, c’était une sorte de réaction au fait, qu’il aurait souhaité payer sa part. Mais il ne dit rien et à la place se leva. Il s’inclina très légèrement et prit la parole. Malgré le fait qu’il soit vraiment mal à l’aise ici, avec tout ce monde, sa voix était étrangement calme et neutre…

« - Je vous remercie pour votre temps et pour ce thé ! »

Il le fixa sans rien ajouter. Mais ses yeux informaient le tueur que pour la mission, il ferait au mieux et lui donnerait un rapport assez rapidement. Puis, lentement, il tourna le dos au tueur, et finalement, il quitta les lieux assez rapidement. Il avait besoin d’air avant de retourner à ses appartements, pour travailler sur ce qu’il venait d’apprendre…

Khaos inclina poliment la tête et répondit par une formule de politesse. Il observa Myoko-san se lever avec souplesse et se diriger vers la sortie. Il lui emboîta le pas. L'odeur de l'espion trahissait sa confusion et son malaise. Décidément, il serait complexe d'interagir avec lui sans attirer les soupçon de Père. Khaos était certain que leur conversation n'avait pas été surveillée, personne ne l'avait suivit. Il n'aurait pas hésiter à tuer un informateur de Père et ce dernier devait s'en douter.

Myoko-san rentra directement à la Maison, Khaos, lui, fit un croché par le super-marché et le magasin de thé. Il téléphona ensuite au lapin, il lui apporterait de quoi se sustenter directement dans son labo. Pour l'instant, il était en sécurité.
Après le déjeuner l'albinos irait rendre une petite visite absolument pas courtoise au taré pour lui demander de plus amples informations sur sa mission et lui indiquer une partie des résultats attestant des rapports étranges entre Jonhson et le service logistique. Il lui communiquerait aussi les derniers résultats des tests menés par Aslan sur son état physique. A sa demande, le développement de son empathie ne figurait nulle part. Les modifications de son métabolisme n'avait rien de surprenant : il n'avait toujours pas prit de régulateur et Aslan préférait le laissait évoluer en roue libre, sur les conseil express de Mère.