Petite visite

Leto n'arrêta pas de bouger sur ses coussins, cherchant une position qui soliciteraient le moins ses vertèbres et son pauvre derrière fourbus.

* Je déteste ces japonais et leurs traditions!* jura-t-il intérieurement. * Il peut pas avoir des fauteuils comme tout le monde?!*

Une atmosphère différente le fit revenir son attention sur le gamin qui lui servait le thé, Leto savait qu'il ne pouvait se permettre de relâcher sa garde à son égard.
Les questions qu'il lui posa l'étonnèrent qu'à moitié: il ne connaissait pas la nature ni la position exacte de Khaos au sein du Réseau mais il savait d'emblée que leur future collaboration allait dépendre de sa réponse.

" Je ne connais pas personnellement le Directeur..." commença-t-il lentement. " Et pour moi le Réseau est l'organisation la plus fiable..."

Leto laissa pénétrer son regard franc dans celui de son interlocuteur; il ne pouvait se permettre un faux pas, sinon c'était la fin des carottes. Sachant que "l'autre" organisation qui pouvait rivaliser au Réseau voulait sa peau, on pouvait dire que Leto ne mentait pas.

" Tant que le Réseau sera un rempart pour mes activités et que le Directeur n'attente pas à ma vie, je ne vois aucune raison de faillir à mon devoir au sein de l'organisation..."

*Angoisse, peur, mensonge *. Brahman puait la trahison et la peur.

Les neurones de Khaos tournaient à plein régime, étudiant avec soins les émotions et les réponses corporelles livrées inconsciemment par Brahman. Ces éléments dévoilaient bien plus que les paroles formulées avec méfiance. L'agent était mort de trouille.
Khaos disséqua les informations. Il reconnaissa cette angoisse sourde très particulière pour l'avoir goûtée, pure, dans son obscène quintessence : la panique face à mort. L'odeur forte du mensonge ne s'accordait pas avec les propos de Brahman. Il n'avait pas retrouvé que les pilules...

L'esprit vif de l'albinos passa en revu une masse impressionnante de données : la disparition de Johnson, son éventuel passage dans une organisation concurrente, le dossier officieux de Brahman attestant de son apparence à l'une de ces agences, la mission du Maître... L'interpolation ne prit que quelques secondes et Khaos aboutit à la conclusion suivante : Brahman était un traître mais pas pour le Maître. Il avait des capacités de terrain indéniables et surtout un résistance psychologiques qui faisait défaut à Myoko-san. Il serait un atout important pour trouver la taupe et protéger le Maître, y compris de Père. Une idée germa dans le cerveau de l'albinos.

Khaos fit un signe d'approbation à son visiteur et une fois qu'il eut terminé, il lui attrapa le poignet d'un geste fluide, prenant garde à ne pas serrer trop fort. Il ne voulait ni blesser l'homme ni l'affoler plus. Un sourire rassurant aux lèvres, il approcha le membre de sa bouche et renifla l'articulation. La surprise pris le part et la mine de Brahman valait son pesant d'or. L'albinos modifia alors légèrement son expression. Il jouait tel un matou bienheureux avec une souris.
Il donna un coup de langue sur la peau fine et attrapa la dernière phalange de l'auriculaire qu'il engouffra entre ses lèvres pâles. Il posa juste ses dents acérées dessus. Il aurait facilement pu trancher le doigt sur simple pression de ses mâchoires. Mais la viande humaine était fade, comme du poulet.
Il relâcha la main et adopta alors son attitude de subtilité favorite : mettre le couteau dans la plaie, l'enfoncer, et le tourner sept fois – variante plus intéressante que de tourner sept fois sa langue dans sa bouche, à moins qu'il ne s'agisse de la cavité humide du lapin, mais ce n'était pas le sujet :

- Vous saviez que mon grand-père vient d'une famille de Yakuza ? Il est difficile d'accorder sa confiance à un traître... Je crois que vous n'êtes pas en position pour du "donnant-donnant".
Khaos marqua une pause réthorique. Il sentit la panique pointé son nez. Bien. Maintenant ils allaient pouvoir discuter. Si le tueur voulait les informations que Brahman avait péché, son objectif réel était plus ambitieux. Il repris, d'un ton presque amical, tout en dégustant son thé :
- Cependant, je crois que nous avons tout deux de très bonnes raisons de collaborer. Je vous donne ma parole que vous sortirez de cette pièce avec toute votre intégrité physique... et vivant.

Leto attentit pendant quelques secondes angoissantes la réponse du tueur. Quand ce dernier hocha le tête en une approbation, il ne put que se sentir soulager. Une tension en lui se relâcha mais elle reprit de plus belle quand son poignet fut saisi. Pas trop fort mais le contact suffit à faire remonter sa garde. Il eut le réflexe de vouloir retirer sa main mais il fut stoppé. Une impression lui fit sentir aucune menace émanant de l'adolescent.

Se laissant donc faire, sa main fut guidée vers la visage blafard du gamin au sourire étrange. Il sentit sur ses doigts le souffle chaud; il reniflait son odeur. Complètement ébahi, Leto trembla légèrement des membres, avec un mal aise insupportable. Mais continua à se laisser faire.

Quand la sensation humide se déposa sur sa peau, il sentit ses poils se irrisaient désagréablement. Il eut un mouvement de retrait quand les dents acérés se refermèrent sur le bout de son petit doigt mais la main du garçon le tenait encore. Il sentit couler des sueurs froides dans son dos et il commença à se demander si cela était une bonne idée de venir voir le petit "oni"!

La prise se relâcha et Leto reprit rapidement sa main toute moite. Il l'essuya frénétiquement sur son pantalon poussièreux, en insistant bien sur son auriculaire, histoire de s'assurer qu'il n'avait rien et surtout pour effacer la sensation désagréable de la moite cavité. Leto fit un effort surhumain pour maitriser ses émotions et ne rien laisser transparaitre de la peur angoissante qui l'étreignait à ce moment même. Il se retint de lui faire goûter autre chose dans sa petite bouche mutine, comme le canon de son beretta, en lui défonçant toutes les dents au passage. Mais il ne le fusilla que d'un regard aussi noir qu'un ciel orageux.

* Espèce de sale petit batard de Jap'!* ragea-t-il intérieurement.

Leto tiqua au mot "traitre" et il dut bien admettre qu'il était en position inférieure, après la petite démonstration du "petit vampire". Et en tendant la dernière phrase du tueur, il sentit tous les poils de son corps se irrisaient.

On semblait entendre que sa respiration bruyante et rapide. Les deux hommes se regardaient en chien de faïence. Leto soupira un bon coup et prit une gorgée de la tasse. Il fit une moue de dégoût et la reposa fisa.

* Je hais les Jap'!...*

" Je ne travaille pas sans garantie..." finit-il par lâcher. Ok! Il n'était pas en mesure de faire le fier mais il n'était pas assez fou pour s'exposer en première ligne. " Je veux ma sécurité comme monnaie d'échange... Je pense qu'elle vaut bien les informations et le travail demandé? Non?..."

Parfait. La réaction de Brahman, son excellent contrôle, sa réponse intelligente, tout plaisait à Khaos. L'albinos laissa échapper un rire cristallin devant la grimace de déplaisir lors que les lèvre du brun touchèrent le thé. Il détailla avec soin et sans aucune gène le visage et le torse de son visiteur. Il était bel homme, malgré des petits cernes de fatigue qui assombrissaient son regard perçant. Ce type là n'avait rien à faire dans un bureau, il était trop jeune pour être à la retraite d'une carrière de terrain. Après un long silence, il répondit à sa demade.

- "Monsieur Brahman, je ne fais jamais de promesse que je ne suis pas en mesure de tenir, et face à ceux qui veulent votre tête, je manque singulièrement d'informations pour garantir votre sécurité. De plus, cela dépend aussi de la volonté du Maître..." Khaos observa la décomposition avancée de la figure de Brahman. Il rectifia immédiatement ses propos. Le logisticien avait eu son quotas d'émotions pour la soirée et l'albinos avait suffisamment joué.

- "Mais je vous aime bien. Si je vous considère comme mon partenaire et que vous ne trahissait ni de doutait du Maître, alors, je vous donne ma parole de faire tout mon possible pour que vous ne mourriez pas. Aucun de mes partenaires n'est mort tué par l'ennemi."
Il ne précisa pas qu'il les avait tous – ou presque – butter de ses mains quand la mission et le Maître passait après leurs intérets personnels. Il soupçonnait aussi Johnson de lui collait des brebis galeuses pour ensuite pleurer auprès du directeur sur son protégé trop incontrôlable.
Dernièrement, Khaos essayait de prendre du recul par rapport aux régles mais vingt-cinq ans de conditionnement feront toujours la différence....

Il se leva, s'étirant dans un mouvement félin, plus pour savourer la sensation de ses muscles ainsi sollicités que par réel besoin. Il écouta le pouls de l'agent et à l'odeur, il était en hypoglycémie. Le maque de nicotine n'aidait pas.
- "Mangez et buvez, il désigna de l'index le jus d'orange fraîchement pressé, votre cerveau a besoin de carburant."

Khaos se dirigea vers la cuisine et fouilla dans un des placards. Il sortit une bouteille de whisky qui raviva des souvenirs. Otousan, son père. Il ne l'avait toujours pas revu et son séjour au Japon risquait de s'éternisait. Non qu'il lui manquât beaucoup, ces dernières années, Mère avait repris le flambeau sur le projet et Otousan le considérait plus comme un outil que comme un être vivant. Brahman mastiquait un sandwich et avait siflè le jus de fruit. Khaos servit un bonne rasade du liquide ambré à l'odeur si forte dans un verre approprié et l'apporta sec, sur la table.
- "Je crois que vous préférer ce genre de boisson," dit-il avec un clin d'oeil, avant de se rasseoir en tailleur, à même le parquet.

Leto commença à manger goûlument les sandwichs préparés par l'adolescent. Il fut soulagé de sentir le bon goût du poulet sous la dent.

* Ah! Le sale petit con! Après la frayeur qu'il m'a fait, il manquerait plus qu'il fasse la timorée en mangeant que de l'herbe!!!...*

Visiblement, il avait fait une bonne impression contre toute attente, les conditions du gamin semblaient tout à fait acceptables. Tant que son "Maître" ne venait pas fouiner dans ses affaires, tout pouvait rouler comme sur des roulettes. Mais bizarrement il n'aimait pas sa formulation quand il évoqua la mort de ses partenaires...

A défaut d'autre chose, mais surtout pas le thé, il but d'un trait le jus d'orange. Leto se sentit un peu mieux après s'être substenté mais il manquait tout de même un petit quelque chose...
Soudain un délicieux parfum alcoolisé vint chatouiller ses narines. Il se matérialisa en un verre de whisky que l'albinos lui apporta. Il se détendit un peu plus et s'autorisa un petit sourire avec en prime, un mot de remerciement.
Il but une première gorgée et laissa le liquide fort roulé dans sa bouche comme une confiserie. Puis, il descendit doucement dans sa gorge jusqu'à son estomac, en mettant le feu sur son passage. Leto sentit monter une chaleur de son ventre et soupira de plaisir dans les vapeurs d'alcool.

" Tu as déjà entendu parler de la Schwarz Bank?"

Le whisky dégela Brahmane et l'alcool envahit rapidement son système de ses vertus desinhibantes. Khaos ne buvait qu'à de très rares occasions, pas trop tenté à l'idée de relâcher son contrôle sur son métabolisme complexe et sensible. Quand le brun s'adressa à lui, le tutoiement le démangea.
L'homme était têtu, taquin même, ce qui ne déplut pas à l'albinos. Cependant, son envie de meurtre sur le responsable de la disparition de ses régulateurs ne s'était pas dissipé, et le chatouiller alors qu'il était nerveux représentait un risque certain. Soit le type s'adressait ainsi dans un soucis de fraternisation, soit parce qu'il ne le respectait pas. Beau joueur, le tueur opta pour la première solution, mais rectifia quand même le tir.

- "Oui" répondit-il à la question. Un sourire carnassier inquiétant déforma ses lèvres. "Brahman, j'ai horreur d'être considéré comme un gosse par mes collaborateurs. Ajoute donc une dizaine d'années à l'âge que je semble avoir. Mes connaissances sur la Schwarz Bank se limite à l'officiel : un établissement bancaire pour riches, qui fait aussi dans l'assurance, basé au Liechtenstein. La rumeur voudrait qu'elle fasse dans le blanchiment."

Khaos se remémora alors l'affaire du Plaza de NewYork. Une des ses préférée. A Noël, peu après la disparition de Johnson, qu'il ignorait à l'époque, le Maître lui avait commandité l'assassinat d'un industriel qui s'avérait être aussi l'un des directeurs de ce société. Cette mission avait été accomplie au nez et à la barbe du service de sécurité de l'hôtel et des gorilles qui accompagnés la cible comme des sangsues. Khaos avait même joint l'utile à l'agréable en testant une des nouvelles molécules d'Aslan, censée favoriser la panique.
L'albinos sourit à l'évocation. L'hystérie collective déclenchée avait eut comme bilan cinq mort et vingt-deux blessés. Le décès de la cible avait été classé accidentel par le FBI et les média furent muselés.

Le boulot lui manquait. Jouer les espions ne l'amusait pas et il se trouvait maldroit. L'aide de Myoko-san lui facilitait la tâche, mais elle restait ardue et aride. La venue de Brahman dans la partie avec son épée de Damoclès en phrase de décrochage le remotivait.

- "J'ai récupéré plusieurs de leur employés. Du menu fretin. Enfin, presque toujours."

Il s'étira. Presque un mois sans cadavre. L'odeur et le goût du sang lui manquait. Demain il passerait faire un tour à la morgue. Un séjour au milieu de la tripaille lui éclaircirait les idées. Et puis, rien de tel pour le revigorer ! Le fil de sa pensée concentré sur la conversion termina ses conclusions. Khaos plongea ses prunelles rubis qui brillaient d'une lueur amusée dans le regard noir de l'agent :

- "C'est ton ancien employeur?"

Leto fut surpris d'entendre Khaos le tutoyer et encore plus de savoir plus vieux qu'il en avait l'air. Il n'avait pas pu récolter d'informations significatives sur le tueur; il était donc dans un flou total le concernant. Les pilules qu'il avait récupéré ne l'avait pas forcément beaucoup aidé non plus... Physiquement instable, l'aidaient-ils à modifier l'atmosphère ambiant comme le ressentait parfois Leto?...

" Ne m'en veux pas... Je n'ai aucune information sur toi... Il est difficile pour moi de revenir sur nos rapports... Surtout que tu t'amuses à jouer sur ton physique..." lui retorqua-t-il calmement.

Leto s'aperçut que Khaos savait vraiment peu de chose sur l'organisation: cela ne l'étonna pas vraiment, elle était plutôt bonne pour se dissimuler dans le paysage ambiant. Khaos mit le doigt dessus en évoquant le lien qu'il avait avec elle, mais Leto ne répondit pas à cette question qui semblait plus une affirmation. Il but une autre gorgé du liquide ambré, cela me mit plus à l'aise.

" On m'a confié une mission extérieure au moment où tu es venu la semaine dernière... Un évènement qui est survenu m'a mis sur une piste parallèle... C'est là que je suis tombé sur les médicaments qui t'étaient destinés..." commença-t-il en fixant l'adolescent.
" Visiblement, un membre de cette organisation y est impliqué...Ne me demande pas qui, je ne le sais pas!" dit-il en anticipant la question de Khaos. " La structure interne de cette oragnisation ne fonctionne que par nom de code. Il est donc impossible de savoir qui s'occupe de quoi et sur quoi... Tout n'est fondé que sur la supposition. Mais si cela peut t'aider j'ai son code..."

Leto fouilla sa poche et sortit un morceau de papier pliée en deux. Il le déposa sur la table en face de l'albinos qui le regardait, attentif.

L'attitude ouverte et prête à collaborer de Brahman inquiéta Khaos. Si l'alcool déliait les langues, avec un type pareil, seul la gravité de la situation et l'importance du risque pesant sur sa personne expliquait sa volonté soudaine de partager ses résultats d'enquête. Il craignait pour sa vie.
D'expérience, Khaos se méfiait des humains aux aboies. Il releva que l'homme n'arrivait pas à le considérer comme un adulte, son malaise à son sujet ne se dissipait pas.

Son regard rubis se posa sur le papier déposé juste à porté de main. Il hésita. Avant, il devait arrondir les angles pour que sa relation avec le brun soit solide.
A être traiter comme un môme, il finirait par s'énerver. Déjà qu'il avait du mal à contrôler son envie dévorante de faire des travaux pratiques sur le crétin qui avait buter son coursier, sans compter l'infirmier pervers qui avait brutaliser son lapin et à qui il devait une visite de courtoisie...

Après un silence pesant, la voix mélodieuse du tueur s'éleva dans la pièce :
- "Plus d'un demi-millier de missions réussies et autant de cadavre à mon actif -il ne précisa pas que sa carrière ne comptait que deux petites années d'action-. Alors, Léto, ne me considère pas comme un gosse." Le brun tentait tant bien que mal de garder contenance. Khaos enfonça le clou. "25 ans." Devant l'incompréhension de son invité, il précisa :
- "C'est mon âge. Du niveau 1. Pour le cadre, ce n'était pas une blague. Des questions ? Je pourrais peut-être lever certains de tes doutes. Il est probable que tu sois amener à me supporter un bon moment, je souhaiterai limiter les frictions. Je peux t'assurer que tu ne tiens pas à me voir... tendu." Le ton poli et presque amical du jeune homme ne contenait aucune menace, une certaine lassitude pointait.

Il soupira. Interagir avec les agents du Réseau revenait toujours à courir sur le fil du rasoir ou à jouer avec un feu d'oxygène, après un bain dans l'essence. En final, il devait souvent aller chercher sa pelle ou son mixeur et s'occuper de la viande froide.

Leto fut déstabilisé quand Khaos commença à parler, il ne comprenait pas où il voulait en venir, puis l'évidence vint par la suite. Visiblement, le fait qu'il ne le considérait pas comme un adulte posait problème et en son for intérieur, Leto devait admettre que ce genre de relation n'était pas viable.

Il se doutait de l'importance de Khaos mais pas de sa spécificité, ce qui l'avait désavantagé dans sa démarche de proposer un marché. Par la suite, il avait complètement occulté le fait qu'il était autre chose qu'un simple outil de négociation.

Dans sa précipitation, il avait commis beaucoup d'erreur; cela aurait pu lui coûter la vie. Décidément, le Leto d'antan était bien mort... Oswaldo n'aurait pas été très fier de lui... Il se rendait compte qu'il n'était plus qu'un chien aux abois, qui ne faisait que fuir et avoir peur de sa propre ombre.

* En me sauvant la vie, quel genre de cadeau empoisonné m'as-tu laissé là, Oswaldo?...*

Leto soupira d'amertume: même Khaos avait un peu plus de considération en leur association que lui-même.
Il recentra alors son attention sur le tueur. Si ce que lui avait déclaré l'albinos était vrai, il devait être prudent car il jouait dans la cour des grands, cela lui avait coûté la vie à l'époque.
Mais dans quelle intention lui mentirait-il? Pour l'impressionner comme ferait un gosse avec les grandes personnes? Pour l'avertir qu'il n'avait pas à faire à n'importe qui et qu'il connaissait parfaitement le milieu dans lequel ils baignaient tous les deux?...
Au vue des circonstances, Leto opta pour la deuxième option. Il comprenait qu'il devait revoir son estime pour celui envers qui il allait confier sa sauvegarde.
Mais il devait être confiance lui aussi et le fait de ne pas saisir qui il avait en face de lui stimuler sa méfiance.

" Je comprends..." dit-il d'un ton grave en pesant chaque mot. " Mais je veux savoir avant tout... Qu'est-ce que tu es?..."

Khaos gardait à l'esprit le bout de papier négligemment posé avec une précieuse information qui dormait là si porche. Il avait volontairement aiguiller leur échange vers un autre sujet tout aussi délicat et maintenant, il se devait de répondre à l'interrogation de l'agent, sans dévoiler de données sensibles. Un sacré challenge !
*Ce que je suis...*
Le brun avait touché juste en posant une question pertinente. Toujours perturbé, avec l'odeur acide de la peur rémanante comme une trace de souffre dans l'atmosphère, Brahman restait néanmoins fonctionnel et réactif. Par rapport aux sautes d'humeur de Myoko-san, l'expérience de l'âge pondérait les fluctuations émotionnelles de l'agent avec efficacité. Il serait indubitablement un élément précieux pour la mission.

Au bout de quelques secondes de silence, Khaos sourit, d'une air contrit :
- " Tu connais certainement, au moins de vu, mes parents, le couple de scientifique Yamashita, du labo des bio-tech." Il se leva et ramena de la cuisine la bouteille de whisky, resservit une rasade de liquide ambré à son invité surprise, puis se rassit. "En tout cas, tu peux remercier mon père pour ses goûts en matière d'alcool."

L'expression amusée de Brahman qui comprenait son problème de communication laissait percer une curiosité certaine et une pointe d'intérêt personnel pour le jeune albinos qui dégustait son thé vert, le dos bien droit, ses deux mains fines enserrant avec grâce une tasse en terre cuite vernie de couleur grise chinée. Le tueur prit la parole de sa voix chantante :
- " Les informations que je vais te révéler sont de niveau 1. Les raisons t'ont poussé à trahir la Schwartz ne me concerne pas. Saches juste que si tu récidives avec le Réseau, je me chargerai personnellement de ton sort." Il eut un sourire espiègle. "Je te choisit comme partenaire, j'assume donc mes responsabilités."

Leto se sentait à la fois énervé et amusé des paroles de l'albinos.
Il détestait la sensation d'être sur le fil du rasoir avec lui et d'être l'objet de son amusement sans que lui-même puisse en aprécier le jeu. Ce n'était pas dans ses habitudes de jouer au chat et à la souris en étant dans le rôle de la victime.

Cependant le comportement encore enfantin du tueur en parlant de ses parents formait un contraste détonnant. Il aurait pu en plaisanter si la situation n'était pas si grave. Mais il se permit une remarque.

" Cela ne gênera pas ton père si tu me sers généreusement de son whisky préféré?..." demanda-t-il en avalant une gorgée, après avoir silencieusement remercier son hôte de son attention.

* Je me disais aussi... Je trouvais ça super louche qu'il se dévergonde en ayant une bouteille d'alcool dans sa chambre!... Ca me rassure...*

Mais Leto était loin de penser que l'albinos se dévergondait autrement avec ses partenaires masculins... Pour lui, c'était un parfaitement assexué dont le seul plaisir était d'astiquer le canon de ses armes.

Il comprit ce que lui déclara Khaos concernant leur collaboration.

" Partager le secret des Dieux, j'en connais les conditions et les risques... Je sais à quoi je m'engage..." répondit-il décidé.

Brahman était catégorique et son désir de connaissance suintait de toute son être, cependant, il n'arrivait pas à comprendre la nature de Khaos, ce qui ne surpris pas l'albinos outre mesure. Le temps des révélations était venu. Il n'aimait pas trop ça, mais reculer angoisserait son interlocuteur. Ce dernier n'était pas là depuis assez longtemps pour avoir entendu parler des enfants du Réseau, ou alors, dans des termes qui tenaient plus de la légende urbaine que du rapport scientifique. Khaos opta pour la simplicité et la franchise :
- "Je suis une arme vivante. J'ai été fabriqué par mes parents et mon grand Père. J'ai été conçu pour servir mon Maître avec loyauté et amour." Devant la mine déconfite du brun, il expliqua : "Je suis la seule arme qui ne se retournera jamais contre son possesseur, car ma motivation profonde pour le servir est l'amour que je lui porte."

Devant l'incompréhension croissante de l'agent, Khaos songea à son entretient avec Myoko-san. Il ajouta, une voix douce et compatissante : "Je pourrais vous montrer, mais je crains que votre esprit ne puisse encaisser le choc. Vous êtes déjà tellement terrorisé à l'idée de votre propre mort..." Khaos se leva et ne manqua pas le mouvement de recul de Brahman.
Il prit le cadre sur la commode et lui montra. "Elle a été prise le jour de notre anniversaire. C'est pour cela que Mère est maquillée !" Il pointa le caisson marqué Xen. "Là, c'est moi, et à coté c'est mon frère jumeau. Il est mort." L'agent était tellement confus, que Khaos décida qu'un peu plus d'étrangeté ne changerait pas la donne. "Mais il est toujours avec moi, comme un fantôme." Khaos reprit la photo des mains moites et crispéee pour la reposer sur la commode. Len tout content qu'on s'intéresse à lui s'installa à la place préalablement occupée par son frère. Khaos le regarda avec un air désapprobateur et s'assit à côté, un peu plus proche de Brahman, maintenant tout pâle.
- "Ca va?"
L'agent vida d'un trait le reste de son verre.

Leto était perdu.

Son esprit confus était un peu désorienté par la masse d'information que venait de lui fournir son nouveau partenaire.

Il en avait un peu le souffle coupé... Il ne s'attendait pas du tout à cela... Il avait l'impression de surfer en plein SF mais la Schwartz Bank, ainsi que la menace qui pesait sur lui était bien réelle...

Leto respira un grand coup... Allez un autre ne lui ferait pas de mal... Il avait un peu la gorge sèche et son regard obliqua vers son verre vide. Comme s'il lisait dans ses pensées l'albinos lui versa encore un peu du précieux liqueur de son papa. Il le remercia silencieusement du regard. Il expira un bon coup.

" Ca fait du bien..." finit-il par dire. "... Je ne suis pas sûr d'avoir tout saisi de ce que tu représentes mais en fin de compte, tu es la meilleure garantie du Réseau... Il y en a d'autre comme toi?..."

Leto n'était pas fin biochimiste. Il survolait ce sujet juste assez pour évaluer l'importance de l'information pour sa rentabilité. Il savait Khaos comme un produit rare et précieux, et surtout dangeureusement efficace!
De quoi enlever l'envie de tenter quoique ce soit contre le Réseau, si on tient un temps soit peu à sa vie...

" C'est une information digne du niveau 1..." reprit-il sans se départir de son regard sombre. " C'est une information digne d'intérêt pour la Schwartz Bank...ou peut être d'autre organismes"

Leto scruta son visu. Les choses commencèrent à se dessiner dans le brouillard de son esprit. La main tendue de l'adolescent était trop facilement accessible: il devait trouver son intérêt dans leur collaboration d'une manière ou d'une autre...

*Il y en a d'autres comme toi?*

Brahman était vraiment un type judicieux et plein de ressources. Malgré le choc causé par les informations qu'il tentait d'assimiler rapidement, il continuait de poser les bonnes questions, avec une perspicacité étonnante. Khaos répondit d'un sourire en coin :
- "Vous n'avez pas besoin de le savoir." Il venait de révéler suffisamment d'éléments classés pour qu'il comprenne la nature du tueur.

En dire plus aurait été imprudent, surtout que les changements d'odeur de l'homme déplaisaient à Khaos. Il essayait de reprendre le contrôle de la discussion, se sentant acculé. Il voulait dominer, avoir du poids. Il avait oublié que ses connaissances et ses compétences rentraient dans la négociation, lui conférant une certaine égalité avec Khaos.

*C'est une information digne d'intérêt pour la Schwarz Bank...ou peut être d'autre organismes*

Khaos soupira à sa dernière réflexion. Mais il croyait quoi, au juste, qu'il pourrait le faire chanter, obtenir plus ? L'albinos lui proposait de collaborer et d'assurer sa protection dans la mesure du possible, avantage très rare dont Brahman ignorait la valeur. Décidément, Naël avait une influence bien étrange sur son comportement, il réalisa qu'il tentait d'établir une relation de confiance avec l'agent, ce qui, au vu de sa réaction, ne semblait pas de mise.

Tant pis, s'il fallait y aller barbare, il y irait barbare... Khaos plongea ses yeux rubis dans les pupilles sombre de Brahman. Le papier sur la table disparut avant même que l'agent n'ait aperçu l'albinos esquisser un mouvement.
- "La peur a une odeur acide, désagréable, proche de l'urine. Et pourtant, dans certaines circonstances, je l'apprécie au plus haut point." Si Brahman jouait, alors Khaos n'allait pas se priver de se plaisir. "La tienne est particulièrement savoureuse." L'agent hésitait. Sa menace n'avait pas l'effet escompté sur l'albinos. Khaos espérait que l'agent réaliserait rapidement la bêtise de sa tentative d'intimidation. Il préféra enfoncer le clou.

Khaos savait que son existence ne devait pas être révélée, il savait aussi que les fuites étaient inévitables. Il existait des dossiers dans les services anti-terroristes ou de contre-espionnages de plusieurs pays mentionnant l'existence d'un mystérieux tueur qualifié de "vampire" ou autres adjectifs ridicules mais qui excitaient les fantasmes des adeptes de la théorie du complot.
Ces informations, bien trop parcellaires, ne permettaient pas d'effectuer de recoupements dangereux pour le Réseau. D'autant qu'il se chargait toujours de s'occuper des petits curieux avec soins. Quand le Maître confiait à Khaos une mission qui concernait la sauvegarde de son anonymat, il lui précisait toujours, connaissant le zèle dont l'albinos ferait preuve. Comme dans le cas du Plaza.

Khaos ne souhaitait pas effrayer Brahman, juste lui faire comprendre qu'il était stupide d'essayer de monnayer sa confiance, qu'il signerait ainsi son arrêt de mort.
- "Elle me rappelle celle d'un homme d'affaire que j'ai récupéré à New York, pendant les fêtes, dans un palace. Le presse a fait choux gras de l'affaire." Il regarda l'expression de l'agent se modifier à mesure qu'il se rappeler des faits et qu'il réaliser leur implications. L'albinos lu i offrit alors un sourire vraiment amical. Si l'homme comprenait alors, il lui expliquerait ce qu'il attendait de lui comme travail, lui confierait une partie de ses soupçons sur la section logistique et même sur Koening. Ils pourraient bosser ensemble, comme partenaire. Sinon...

Son téléphone vibra dans sa poche. Un tiraillement mental particulier. Naël. Il décrocha, ressentant le besoin du jeune homme.
- "... OK. Viens, mais ne sois pas surpris, mon invité est encore là... Non, je préfère que tu viennes. Je te ferai couler un bain." Il ne voulait pas que le lapin soit dans ses pattes durant la conversation avec Brahman, mais il était presque 21h, laisser Naël seul dans son appartement, à la merci du taré, n'était pas une option. Durant le bref échange téléphonique, ses yeux n'avait pas quitter le logisticien.

Leto fut un peu surpris par ce que le tueur lui dit;ce la l'effraya aussi un peu (beaucoup). Un être capable de détecter les émotions des gens par l'émanation chimique de leur organisme ne disait rien qui vaille sur l'étendu de ses compétences. Il en frémit.

Mais ce que qu'il percevait de ses propos et qui l'étonna surtout c'était qu'il pensait qu'il essayait de faire un chantage sur l'information de niveau 1 que venait de lui fournir l'adolescent. Leto était désepéré mais pas fou... Le tueur s'était fourvoyé sur ses dires. Il était urgent de rectifier le tir ( d'autant plus qu'il avait la "gentillesse" de lui venir en aide...)

"Je te remercie de toutes ses précision et j'ai bien compris le message... Mais je te rassure... Je ne suis pas assez fou pour abbattre la vache à lait... Seulement je viens de prendre conscience de ce que le projet dont tu fais partie peut être extrêmement "vendable"... J'ai récupéré l'information de ton coursier au passage de mon investigation, je ne savais rien de la partie cachée de l'iceberg... Mais maintenant je vois un peu la colleration que cela implique... Je pense que tu dois croire que je serais un atout, mais je ne sais pas encore dans quoi..."

Leto se leva, non pas sans peine, il rêva d'aller prendre une bonne douche pour enlever toute la crasse et détendre ses muscles et son esprit: tous deux ont été mis à dure épreuve...

" Tu as de la visite visiblement... Je pense que nous en avons fini pour ce soir... En tout cas pour les négociations de bases... Tu sauras où me trouver pour les explications plus appronfondis..."

Il voulut partir au plus vite de cet endroit qui ne le rassurer pas du tout et qui mettait surtout son âme à nu. Il attendait implicitement le laisser partir de son hôte forcé, conscient que ce n'était pas lui qui menait le jeu, ne lui en déplaise...

Khaos ne comprenait pas vraiment ce que la vache venait faire dans la discussion – pas plus que l'histoire des fleurettes à compter quand Brahman s'était pointé chez lui – il ignora donc la remarque, se concentrant sur l'essentiel. Décidément, le terme "atout" définissait parfaitement l'agent. Après les rencontres décevantes ou stressantes de la journée, ce début de soirée s'avérait plein de bonnes surprises.
Enfin, excepté que sa mission de recherche de la taupe venait de prendre une envergure nouvelle en s'inscrivant dans un conflit digne de la guerre de Cent ans entre deux organisations rivales. Khaos comprenait aussi mieux l'état mental de Père, avec son égo surdimensionné et ses velléités hégémoniques, le géniteur du Réseau devait voir d'un oeil mauvais les tentatives de la Schwarz pour s'approprier des parts de marché. Dans cette course, tout les coups étaient permis. Surtout les plus bas et les plus tordus.

Khaos n'était vraiment pas dans son élément. Il était un tueur et non un espion ou un fin négociateur comme l'attestait son erreur de jugement sur le comportement de Brahman. Enfin, il était maintenant certain de sa loyauté, tant que sa vie serait dans la balance, et à priori, elle y resterait jusqu'à sa mort. Un moyen efficace de s'assurer de sa collaboration. Quand l'homme commença à se lever, l'albinos jusqu'alors silencieux lui fit signe de se rasseoir.
- "Il y a encore deux trois bricoles qu'on doit mettre au point Léto. Et ne t'inquiète pas pour la personne qui va arriver." L'agent tombait de fatigue mais il était impératif de mettre au maximum à profit leur rencontre. Khaos ne savait pas quand il pourrait de nouveau s'entretenir avec lui en toute sécurité d'autant qu'il n'était pas certain que son rapport à Père soit exhaustif.

-"Le Maître m'a confié une mission que je ne peux mener à bien sans certains appuis. J'ai besoin d'informations et il s'avère qu'à la section logistique, tu es le seul qui pourra me les fournir discrètement." Khaos n'osait pas encore remettre directement en cause l'intégrité des agents du service, ou du moins, à haute voix. "Pourrais-tu me sortir la liste des tentatives de piratage qui étaient des tests internes de sécurité ? Pas celle officielle, je l'ai déjà." Après une pause, l'albinos décida de révéler ce qui l'avait ennuyait une bonne partie de l'après midi.
- "Je ne suis pas très doué pour les relations humaines, tu as pu t'en rendre compte." Le sourire certes fatigué mais complice de Brahman, le rassura. Alors, Khaos laissa tomber politesse et circonlocution, làs de se débattre avec un sac de noeud trop complexe. Son boulot était de couper les ficelles et non de les démeller... Mais il se devait de satisfaire le Maître, alors il demandait de l'aide. "Koening est trop gentil pour être honnête... Je ne le sens pas..."

Avant même que Brahman n'ait eu le temps de répondre, Khaos lui posa un doigt sur les lèvres. Naël. Le lapin arrivait. Il s'éclipsa dans la salle de bain, le temps de faire couler de l'eau à bonne température, et se dirigea vers la porte.
- "Donne moins cinq minutes, je m'occupe de mon copain et je suis à toi."

Les jours suivaient et ne se ressemblaient pas... Adage légèrement faux, encore une fois, Naël passerait la soirée chez l'albinos. Il ne l'avait pas vu depuis que celui-ci avait quitté le labo dans l'après-midi pour rencontrer quelqu'un. Puis il avait reçu un mail lui indiquant de ne pas venir tout de suite.
Il en avait profité pour passer dans son logement et préparer un sac avec quelques affaires vu qu'il aménageait, soi-disant temporairement, chez Khaos. Il avait fini par appeler le tueur pour savoir s'il pouvait venir, parce qu'il en avait assez de tourner en rond dans le salon de son appartement... encore une conséquence de ces derniers jours, cela ne l'aurait pas dérangé avant.

L'albinos lui avait dit qu'il pouvait venir, avait même parlé d'un bain, et la présence d'une autre personne ne le dérangeait pas vraiment.
Il se retrouva donc devant la porte de l'appartement où il avait passé plus de temps que dans le sien, et n'eut même pas besoin de l'ouvrir lui-même, la porte s'ouvrit dès qu'il arriva devant, et Khaos lui faisait signe d'entrer.
Tout en retirant ses chaussures, le lapin observa l'individu qui se trouvait dans la pièce, grand, brun, en costume froissé, fatigué, pas le genre de personne en qui il aurait confiance, mais s'il était là, c'est que l'albinos le connaissait ou avait besoin de ses capacités.

Légèrement intimidé sous le regard perçant et scrutateur de l'inconnu, Naël avança dans la pièce, restant à proximité de Khaos, son sac sur les épaules. Il salua l'autre d'un signe de tête. Il fallait croire que son habitude de peu ou pas parler revenait à la charge en présence de quelqu'un qu'il ne connaissait pas.

Khaos constata que le lapin était repassé en mode sauvage. Bientôt il serait au fond de la baignoire à faire trempette, et le tueur pourrait ainsi conclure son entretient avec le logisticien. D'une voix formelle, contrastant avec la familiarité du bras qu'il avait passé autour de la taille du lapin, Khaos déclina l'identité des deux hommes et leur fonction.
Naël n'avait pas émit un seul son, ce qui ne surprenait pas vraiment l'albinos, quand à Brahman, il ne cachait pas son amusement intrigué. Peut être être était-il choqué de la façon ostentatoire dont Khaos afficher leur relation, à moins qu'il ne lui soit toujours difficile pour lui de le considéré comme un adulte...
- "Léto, tu m'excuses encore quelques instants ?" L'horloge interne de l'albinos décomptait le temps restant sur les cinqs minutes d'attentes promises.

Khaos guida son lapin dans la salle de bain en prenant soin. L'eau était à la bonne température, enfin beaucoup trop chaude à son goût. Il ferma les robinets. Le brun avait posé son sac et sortait quelques affaires, prenant ainsi possession des lieux. L'albinos l'attrapa et l'embrassa doucement.
- "Ma discussion avec Brahman n'est pas terminée. Je viendrai te chercher, OK?" Un index caressa le lobe d'une oreille, souhaitant qu'elle reste à l'écart des informations hautement sensibles qui allaient encore s'échanger. "Désolé de t'éloigner ainsi, mais le sujet est confidentiel." Khaos l'embrassa encore une fois, avec plus de passion, jusqu'à entendre un gémissement étouffé du lapin. "Je voulais juste vérifier que tu n'avais par perdu ta langue !"

[Modyoda : je te laisse terminer la scène jusqu'au retour de Khaos dans la pièce principale]

Naël n'appréciait pas l'attention dont il faisait l'objet de la part du brun, ni son rictus amusé. Et le bras autour de sa taille ne le rassurait pas tellement, il baissa les yeux, la main refermée sur la veste que portait Khaos.
*Logistique ?*
Alors il avait devant lui l'une des rares personnes à faire correctement son boulot ? C'était peut-être même lui qui avait coupé court à sa tentative de piratage.

Il se laissa entraîner jusqu'à la salle de bain, où il put enfin respirer correctement. Il n'avait pas apprécié la pression ressentie dans la pièce. Il posa son sac, en sortant des affaires propres, squatter les t-shirts de l'albinos, ça allait quelques temps, mais rien ne valait ses affaires. Après avoir fermé les robinets, Khaos l'embrassa doucement et lui expliqua qu'il préférait qu'il reste en dehors de la conversation. Et entre elle et le bain, le lapin préférait largement se détendre dans l'eau.

Un baiser plus passionné lui tira un gémissement et la remarque un léger sourire.
"Désolé, ce n'était pas très poli..."
Mais les habitudes de plusieurs années ne se perdaient pas ainsi et Leto ne lui avait pas fait très bonne impression, déjà qu'il parlait peu à ceux qu'il appréciait, l'albinos étant une exception, c'était presque muet qu'il était devant les autres.
Il se serra quelques instants contre l'albinos.
"Compris, je sors pas tant que tu ne viens pas me chercher..."
Il échangea un dernier baiser avec Khaos avant de le mettre à la porte.
"Maintenant, laisse-moi profiter de mon bain...", fit-il en souriant.
Et il referma le battant derrière le tueur.

Rapidement il se déshabilla et se glissa dans la baignoire, laissant l'eau chaude le détendre.
Khaos pouvait prendre son temps, il ne sortirait pas de là tant que l'eau ne sera pas devenue froide. Il ferma les yeux pour mieux en profiter.

Leto s'était déjà senti sous le jet de sa douche froide quand le tueur le retint pour une mise au point. Il soupira bruyamment et se laissa retomber lourdement sur les coussins. Il fit un vague signe de la main pour signifier à hôte qu'il l'écoutait malgré sa grande fatigue, sa furieuse envie de partir pour aller faire l'amour à son oreiller.

Il se reservit du précieux liquide doré, après accord du tueur, pour supporter encore un peu l'entretien.

Il écouta attentivement l'adolescent en hochant la tête à sa demande, sachant exactement où et quoi chercher. Leto sentoit tout de même un léger malaise quand Khaos évoqua son service, il eut la confirmation de ce sentiment quand il finit par lui lâcher ses soupçons sur son responsable.

Ses doutes firent écho à ses propres impressions lors de l'incident du paquet noir trouvé dans la salle des ordinateurs. Il se souvint du comportement ambigü de Vivian. Vu les "talents" du tueur, Leto supposa que ses doutes étaient fondés... Il s'en occuperait comme il se le devait.

Khaos ne lui laissa pas le temps de souffler mot qu'il enchaina sur le fait de s'occuper de son "copain" (!) qui comme par magie, attendait à la porte. Leto fut un peu interloqué. Il scruta le nouveau venu, un adolescent à l'allure fragile qui le regardait avec défiance. Il s'amusa des présentation et des circonstances, avec un sourire goguenard, qui ne le quitta pas jusqu'à ce que l'albinos revienne vers lui.

" Pas mon style mais si ça te plaît... Est-ce tout ce dont tu dois me parler?"

Khaos était retourné dans la pièce principale, le goût de Naël encore présent sur sa langue. Il sourit à la réflexion de Brahman.
- "Pas le mien non plus, mais je m'adapte !"
Le logisticien ne savait pas à quel point sa remarque était juste. Dans d'autres circonstance, Khaos aurait été d'ailleurs bien plus intéressée par cet homme viril, même s'il manquait d'entraînement physique, que par un lapin maigrichon et râleur. Quoi qu'en matière de mauvais caractère, ils se ressemblaient tout les deux. Dans quelques années, quand Naël aurait gagné en maturité, il y avait de forte chance pour qu'il développe un sens de l'humour assez caustique, du même acabit que celui de Brahman.
L'albinos s'interrogea au passage sur les capacités du logisticien à manier un flingue. Il avait repéré le renflement caractéristique de sa veste. La salle de tir ne serait pas mal comme lieu de rendez-vous pour leur échanges, sans attirer l'attention.

S'installant en face de son invité épuisé – mais toujours en état de vider la bouteille de whisky avec une méthode infaillible – l'albinos souhaitait reprendre leur petite conversion :
- "Demain, je devrais avoir des informations supplémentaires sur les relations entre nos deux services qui sortiraient un peu trop des sentiers battus. Je t'envoie les résultats dès qu'ils sont dispo. Mais avant je voudrais ton opinion sur Koening. Et des détails sur l'incident de vendredi quand j'ai quitté la salle d'info vendredi dernier..."

Toutes traces d'amusement disparues du visage de Leto, le travail reprenait le dessus.

Il eut le réflexe de se demander s'il fallait tout dire au tueur mais de toutes les façons, l'adolescent aurait su s'il lui cachait quelque chose...

" Le paquet ne comportait qu'un gaz paralysant... Une blague de mauvais goût... "commença Leto. Il préféra passer sous silence le comportement inconscient de ses collègues lors de cette incident, cela donnerait une mauvaise image de son service.
"Cependant...continua-t-il, ce paquet m'était clairement destiné, il y avait une gourmette d'argent qui appartenait à mon ancien coéquipier de la Schwartz Bank à l'intérieur. Je pense qu'on a découvert que je suis encore en vie... Deux solutions: soit un agent de la Schwartz qui a découvert que je travaille au Réseau, soit une taupe au Réseau qui travaille pour la Schwartz... Vu les circonstances, j'opte pour la deuxieme. Les renseignements me concernant ne sont exclusifs qu'à la Schwartz Bank, c'est pourquoi j'élimine les autres organisations. J'en déduis que c'est un avertissement... Mais je ne suis pas sûr que la Schwartz soit impliquée dans cette mise en garde... Elle aurait déjà prise des mesures sinon..."

Leto avait mis instinctivement la main dans sa poche et ses doigts manipulaient les grosses mailles d'argent du bracelet, au contact lisses. Inconsciemment, cela le rassurait quand il parlait de la Schwartz Bank: il avait l'impression de ne pas être seul face au spectre de son passé.

" Concernant, Koening, j'ai eu un doute quand je l'ai vu pour la première fois: je me suis demandé pourquoi il avait engagé un imbécile pareil comme responsable... Plus sérieusement, j'ai eu la puce à l'oreille quand il a commencé à dire quelques petits mensonges... J'ai profité de ma mission pour collecter des informations sur lui..."

Leto regarda Khaos droit dans les yeux pour lui signifier qu'il était tout à fait normal d'enquêter sur les gens avec qui il bossait. Question de confiance...

" Rien qui ne diffère de la version officielle... J'ai cherché où se situaient sa femme et son fils... Ils habitent à Albany, sa femme Kathleen serait infirmière au New York Hospital et son fils suit ses cours à l'école du quartier. Le détail de ses appels par cellulaire correspond bien au numéro de téléphone de leur maison. Ses papiers administratifs concordent aussi. Il a démissionné du F.B.I. pour des raisons personnels pour venir ici au Réseau. Son dossier est clean..." débita Leto d'un ton las les grandes lignes de la vie d'un type banal comme ferait un policier dans n'importe quel série télé. Il fit une pose tout en fixant son interlocuteur.

Le regard de Khaos ne lâcha pas celui de l'agent. Il appréciait l'honnêteté dont le brun faisait preuve, cela le rassurait sur les premières impressions favorables qu'il avait eut à son égard. Ce type était fiable. Par contre, l'albinos n'apprécia pas du tout le récit. Un type s'était introduit dans la Maison pour déposer un colis d'un genre douteux.

Il secoua la tête, comment les choses avait pu dégénérer ainsi en son absence ? Maintenant, il avait en mains trop de cartes et se sentait bien impuissant. En tout cas, il comprenait mieux la frayeur de Brahman : un p'tit rigolo lui montrait l'épée de Damocles suspendue au dessus de son crâne et lui expliquait qu'il pourrait la lâcher quand bon lui semblait. S'il ne l'avait pas buter, c'est que l'agent était utile, soit à la Schwartz, soit à la taupe.
Ca sentait la croquette pour le logisticien. La protection de l'albinos ne serait pas de trop. L'homme enchaîna sur Koening. L'aspect trop propre du dossier du responsable et l'absence de tout indice suspect inquiéta sérieusement Khaos. Ce gars là était dangereux, et il savait couvrir ses arrières. Mais aucun humain n'est infaillible et l'albinos espérait que les capacités de Naël permettrait de trouver le défaut dans la carapace.

Pas un instant il ne fut surpris par le fait que Brahman enquête sur son responsable. Il savait que c'était commun chez les agents. Tant qu'il ne fouinait pas sur le Maître, l'albinos s'en fichait. Il nota deux numéros et son mail sur un papier qu'il tendit au visiteur fatigué et imbibé, d'ailleurs sa résistance à l'alcool bluffait le tueur.

- "Merci pour ces info." Puis, il ajouta, d'un ton sérieux "En cas de pépin, tu peux me joindre avec le deuxième. Je rappliquerai." Le tueur assumait ses responsabilité. Brahman venait de passer dans la catégorie "collaborateur" avec l'option "important pour la mission". Et Khaos n'aimait pas qu'on touche à ses affaires quand elles entraient comme composant de la réussite d'une mission.

L'albinos s'étira et se leva d'un geste félin, donnant ainsi congés à Brahman. L'agent se déplia, une grimace de fatigue sur le visage.
- "Je ne te retiens pas plus longtemps."
L'ouïe fine du tueur captait avec envie les clapotis de l'eau dans la salle de bain.

Leto ne se fit pas prier. Il se leva en prenant d'un geste rapide les coordonnées du tueur.

" J'ai compris..."

Il partit alors sans se retourner, se doutant que le tueur ne lui en tiendrait pas égars: il devait être plus occupé à penser à ce qui l'attendait une fois qu'il serait sorti de l'appartement.

Leto salua d'un geste de la tête son hôte et repartit d'un pas pressé vers sa chambre.